De Csíksomlyó à Yinchuan, une énergie nouvelle



Csíksomlyó, Yinchuan, deux villes que tout oppose. L'une, au centre de l'Europe, est un haut-lieu de pélerinage religieux. L'autre est à mille kilomètre à l'ouest de Pékin, aux portes du désert de Gobi, symbole de l'irresistible et incessante conquête de la Grande Chine de Xi Jinping qui festoye aujourd'hui. Et pourtant, elles véhiculent une énergie similaire.

Je suis remplie de Chine. J’en déborde. Et, chose étonnante, je suis en pleine forme malgré le voyage qui sépare Yinchuan d’Olaszliszka. Jet lag, coup de barre ? Eh bien non, je pourrais écrire des heures (il le faut), faire un jogging (ce que je ne fais jamais) ou trois heures de balade à cheval (ce que j’aimerais faire toujours) sans cligner de l’œil. Je suis moi-même intriguée. C’est une autre énergie que celle que j’ai rapportée de Csíksomlyó, en Transylvanie, mais cela y ressemble. Une impression de bien-être, comme lorsque l’on sort des mains expertes de la masseuse. Pourtant, tout oppose ces deux lieux.

Csíksomlyó, Roumanie. Au cœur des Carpates, en Transylvanie, au pays des bois et des forêts, de la pluie, de la verdure insolente. Havre de paix, scène de recueillement, cette vallée retranchée est l’endroit sur terre où le temps s’est arrêté. Les Hongrois viennent y puiser leurs racines, leurs origines, leurs valeurs, la vérité. Ils semblent y retrouver leur paradis perdu. Des trombes de pluie, la boue qui collent aux pattes n’arrêtent pas leur pas. Ils se rendent, échine courbée, en haut de la « selle à cheval », haut-lieu de pèlerinage situé sur une colline en creux entourée de touffes vert sombre. En bas, le village offre ses rues aux foules de passage qui battent le sol et l’église dédiée à Marie avale par millier ces pèlerins venus de loin. Il suffit de passer quelques jours parmi eux pour comprendre leur profond attachement à ce village symbolique. Et pour saisir pourquoi, lorsqu’ils en reviennent, ils se sentent gorgés d’une énergie nouvelle qu’ils puisent comme ils puisent l’eau de la source locale, riche en bienfaits, et la glissent dans des bouteilles plastiques pour les ramener chez eux. Purification.

Yinchuan, province autonome de Ningxia. Du haut de mon vingtième étage aux baies vitrées, je regarde au loin. Un horizon de carton pâte. Des gratte-ciels, scotchés les uns aux autres, blancs, lumineux, vides. La verdure aussi, domine cette drôle de cité qui a supplanté une terre jaune et poussiéreuse formant, il y a peu, le désert. C’est dans cette ville chinoise et tout autour, jusqu’au pied des montagnes de Helan, que pousse à grand coup d’irrigation, une nature luxuriante et des vignes à perte de vue. Chaque avenue est un boulevard à huit ou dix voies. La circulation est dense, sans plus. Les BMW, Nissan et Audi neuves glissent à rythme lent, se frôlant à droite et à gauche, comme un jeu vidéo. Au cœur de la ville, les festivités du premier octobre se préparent. Dans les magasins, des femmes essaient des robes à froufrou, les drapeaux envahissent les devantures, les coins de rues, les lampadaires. Des équipes en uniforme, munies de seaux, de balais, de chiffons, de spatules, grattent les murs des passages souterrains et nettoient à grande eau les rampes des escaliers. Dans ce pays de la démesure et de la rigueur extrême, je me sens bien, en sécurité. J’ai conscience que rien n’est simple, que bien des choses se passent, invisibles pour nos yeux d’Occidentaux. Et que je ne suis que de passage.

De ces deux régions du monde, je reviens comblée, presque saoule, chargée d’une énergie positive et si proche. Puis, soudain, je m’écroule. Le jet lag. Je ne l’attendais plus. Le voyage en A380 m’avait semblé si court.

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