Le trio de Raphaël

Nom : Reybier. Prénom : Raphaël. Age : 43 ans. Profession : grand voyageur. Le fils Reybier court le monde pour promouvoir ses trois cuvées issues de la Trinité des vignobles terriens. Bordeaux, Tokaj, Champagne (par ordre d'entrée en scène).

Les yeux pastel de Raphaël Reybier. Photo M.H.

Quatre consonnes et trois voyelles c'est le prénom de Raphaël. Comme dans la chanson de Carla Bruni, Raphaël ensorcelle. Pas de délice, pas d'étincelle, pas de malice sans Raphaël. Il est vrai que porter l'image de trois appellations de taille aide à faire tourner les têtes et les verres.

Ce grand voyageur adore partager. Tout. Ses expériences, ses voyages, ses anecdotes, ses réflexions, ses impressions. Bavard ? A peine. Intarissable. C'est pourquoi ce vendredi soir il a réuni ses amis, voisins et confrères de Tokaj autour d'un repas tout chinois, concocté par M. Tao, le patron de deux restaurants de Budapest, le Taiwan et le Hong-Kong, pour fêter le Nouvel An chinois.

La Chine ? Raphaël n'arrête pas d'y aller pour y accompagner ses vins. Ne cesse d'en parler. Sur le plateau tournant d'un soir, des bambous croquants, un potage pékinois épicé, du canard laqué découpé sur place, du riz cantonnais, des nouilles sautées. Sous nos pieds, sous le parquet hongrois, une cave plusieurs fois centenaire qui s'enfonce dans le loess et étreigne dans ses nombreux bras des fûts d'aszú et étouffe les pas feutrés des fantômes des Rákóczi.

Bacchus débauché sous sa bâche. Photo M.H.

Raphaël Reybier, Gergö Makai  et Tamás Oroszlán, la fine équipe de Tokaj Hétszőlő. Photo M.H.

Un sacré jack pot

Ce lieu magique est gardé à l'entrée par un Bacchus toujours bourré, assis sur sa fontaine. Exposant aux touristes son petit sexe de bronze, il balance en arrière sa tête d'enfant joyeux et porte fièrement vers le ciel une grappe de raisin. Bâché pour l'hiver, il grelote sur sa place déserte, au centre de la petite bourgade de Tokaj. C'est ici que Michel Reybier, le papa de Raphaël, a investi en 2009. En rachetant Hétszőlő, il a mis la main sur l'un des plus beaux domaines viticoles au monde, 55 hectares de pure merveille sur les flancs du mont Tokaj.

L'entrepreneur français n'en était pas alors à son premier coup dans le monde du vin. En 2000, il avait acquis le château Cos d'Estournel, une valeur sûre de Saint-Estèphe, un sacré jack pot, rentabilisé dès le premier millésime. Cos, un deuxième cru classé de la famille des super seconds, un grand classique auquel il faut ajouter deux étiquettes, Les Pagodes, le deuxième vin, et Goulée by Cos, une propriété du nord du Médoc ajoutée récemment à l'escarcelle. Michel Reybier, fondateur dans une première vie des marques Jambon d'Aoste, Cochonou et Justin Bridou, n'a cessé d'enrichir son patrimoine de joyaux viticoles. Après Bordeaux et Tokaj, il lui manquait les bulles. En 2013, il récupérait dans sa chute un beau domaine champenois à Faverolles et Coëmy, près de Reims, 40 hectares complétés par 160 ha d'approvisionnement, et une marque, Jeeper. Production ? Un million et demi de bouteilles : "Nous sommes tout petits", provoque Raphaël à la champenoise.

Nouvel An Chinois, Bonne année !!! Photo M.H.

En direct de Hong Kong et Taïwan. Photo M.H.


Peintre éternel

Je n'ai jamais rencontré le père, l'industriel, l'homme de La Réserve, ces hôtels de luxe basés à Genève, Paris et Ramatuelle, l'entrepreneur discret mais brasseur de millions, le loup des affaires, la tête de l'empire Reybier. Je ne connais que le fils, le jeune dandy toujours souriant, sans cesse plaisant, portant ses vins comme des cadeaux de la vie, les entraînant dans ses voyages, le rouge, le blanc, le doré, l'effervescent. Un port-folio complet, rond comme un ballon, tous au top, ambassadeur radieux des trois appellations. Ce soir, à Tokaj, le messager de ces vins nobles nous accueillait avec un verre de champagne Jeeper et sa drôle de bouteille, 60 % de chardonnay et pinot noir et meunier à parité. Un bon nez de champagne comme on les aime. Une fois à table, les plats chinois furent unis au furmint bio de Hétszőlő, à l'aszú 6 puttonyos 2004, au Goulée 2014 tout en douceur de merlot...

Entre Raphaël et moi, le cliquetis des baguettes, des discussions sans fin, des images lointaines, des histoires de contes de fée, des histoires de Raphaël qu'il murmure à mon oreille. Ses yeux pastel racontent ses joies, ses peurs, ses frissons, son petit garçon qui grandit trop vite, ses vins qui charrient avec eux terroir et aventures. Le lendemain, c'est Perth qui l'attend, en Australie. Puis Melbourne, Sydney, Hong-Kong et enfin Düsseldorf. Parti défendre les couleurs de son trio, peintre éternel.

Le trio : Tokaj Hétszőlő, Cos d'Estournel et Goulée, Jeeper. Photo Cos d'Estournel

Commentaires

Popular post

La Reine Mère se fout du coronavirus

Avoir 20 ans en 2020