Arte, les dessous d’un tournage (2)

A Pest, de l'or et du soleil

Grâce au professionnalisme de Vincent Pérazio et Sébastien Thiébot, de Grand Angle Productions, la semaine annoncée catastrophique s’avérera pleine de surprises. A Budapest, nous buvons à la santé de Tokaj !

Sur les bords du Danube. Là, j'ai failli tomber à l'eau.

La pluie ne cessa de tomber le dimanche aussi. Je pris le train pour Budapest, afin de rejoindre mes deux acolytes et commencer le tournage. Je leur avais fixé rendez-vous au Két Szerencsen, QG des bobos budapestois, cuisine hongroise revisitée dans une ambiance calfeutrée et chaleureuse. Je fus bavarde, évidemment. A part la douche incessante, tout se profilait à merveille, les rendez-vous étaient pris, les lieux trouvés. Je leur avais concocté une semaine riche, rencontres de producteurs, visites de caves très particulières et les fameuses archives de Sátoraljaújhely qui nécessitaient des démarches pointues.

A Budapest, les deux gars savaient ce qu’ils voulaient. Un plan de Pest à partir des hauteurs de Buda, même noyé dans la brume. Le château de Buda, le Bastion des Pêcheurs... Du haut de la muraille blanche et crénelée, Sébastien balayait le beau Danube bleu et l'étendue de la ville avec son oeil.

Vue brumeuse et mystérieuse.

Krisztián Ungváry, un historien de haut vol, spécialisé dans le XXe siècle, et également vigneron à Tokaj, nous attendait au Centrál Kávéház, l'un des plus exquis cafés de la capitale. J’avais négocié avec le patron pour y tourner une scène du film avec une bouteille d'István Szepsy que j’avais achetée à Mád pour l’occasion. Krisztián et moi-même devions être inspirés pour nous exprimer avec naturel et conviction. Rien n’était plus convainquant qu’un Aszú 5 puttonyos de 2006, d’un sirupeux et d’une expression de Tokaj des plus nobles et des plus abouties. Nous étions bien équipés.

Cette conversation autour d'un verre fut particulièrement divine. Le contenu du verre aidant, l'historien et moi nous lançâmes dans un échange sur l'importance du tokaj qui rythme la diplomatie hongroise depuis des siècles et rayonne dans les esprits. "Dans un verre de Tokaj se lit l'histoire du pays", écrivais-je en 1994 dans La Revue du vin de France. La longueur, l'équilibre, la prestance fascinante du liquoreux me donnait l'impression de planer, comme si j'offrais à mon corps un élixir de bien-être. Une séance de massage ayurvédique. Une explosion de fruits et d'épices qui éveille et réveille tous les sens. Une fleur qui ouvre son coeur sous la chaleur des premiers rayons de soleil. Nous volions ou convolions face à face, survolions le pays, comme le drone survole, dans le jet final, quasi au ralenti les ondulations du Piémont de Tokaj. Nous faisions le tour du monde.

Là, on a failli tout boire. Merci Krisztián pour ta participation !

Nous en avions oublié la caméra. Sébastien et Vincent, tout à leur tâche, nous arrêtèrent net : il ne restait quasiment plus une goutte dans la bouteille. Fort fâcheux : le but de cet exercice était de faire tournoyer le verre devant l'objectif pour montrer la couleur inouïe de l'or liquide au spectateur, cet or teinté d'un reflet ambré. Il était plus délicat de le réaliser une fois le liquide enfoui dans nos gosiers. Ce fut un beau début de tournage. Le soleil était bien au rendez-vous. Le soleil de 2006.

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